Excursion ibÉrique
C’est en Espagne que la grande Aventure WorldWine Women débute (pour de vrai) !
Après des vendanges en Bourgogne et un passage éclair mais très instructif à Bordeaux, direction l’Espagne. Nous passons quelques jours à Santander avec les vrais parents de Betty, le magnifique T3 Volkswagen remis à neuf qui sera notre maison pour les 3 prochains mois et nous trépignons d’impatience pour prendre la route du vin.
Munies de nos pulls bordeaux, de notre caméra chargée et d’un mélange d’excitation et de témérité, nous lançons notre playlist de Wine Trotteuses et appuyons sur la pédale d’accélérateur sans regarder en arrière.
Après quelques heures de route, les paysages escarpés de la Rioja se dévoilent devant nos yeux ébahis, avec ses collines onduleuses et les forts contrastes entre la terre rougie et le vert vif des vignes de fin d’été.
La plus ancienne région viticole de l’Espagne, avec ses 65 000 hectares dédiés à la culture du raisin, mêle la volonté ambivalente de respecter les méthodes ancestrales à celle de renouveau insufflé par la nouvelle génération.
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Nous y avons goûté avec plaisir les vins mythiques de cette région aux multiples facettes, où le tempranillo est le cépage roi. Entre la Rioja Alta, la Rioja Baja et la Rioja Alavesa, la diversité des paysages et des vins fait la richesse de cette appellation. Au delà des vins élégants et boisés qui font la réputation de la Rioja, notre palais s’est laissé surprendre par des vins en macération carbonique* et des blancs “semi dulce” très exotiques. Notre coup de coeur a été la découverte du Supurao, vin doux élaboré en janvier, après avoir laissé les raisins se déshydrater et concentrer sucre et arômes pendant 4 mois.
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Dans un tout petit village nommé Sojuela, nous avons pu mettre à profit notre expérience de vendangeuses et suspendre les grappes sur des cordelettes, avec la promesse de revenir en janvier voir la vinification.
En déambulant à bord de la Betty, nous sommes impressionnées par la taille parfois démesurée des caves que nous voyons, dûe au mode de consommation du vin en Espagne. En effet, les Espagnols n’ont pas l’habitude d’acheter des bouteilles pour les conserver chez eux et les boire quelques années plus tard. Ce travail revient donc aux vignerons, qui doivent conserver dans leur bodega toutes les bouteilles en attente de l’année où elles seront bonnes à boire, ce qui leur demande un espace de stockage conséquent.
Puis c’est déjà l’heure de quitter le Rio Oja pour descendre dans la vallée d’un autre fleuve, le Duero. En arrivant de nuit, dans un petit village de quarante habitants, une famille croisée au détour d’une rue nous entraîne alors dans les traditions profondes de la région. Nous y découvrons en descendant un escalier dérobé, la bougie à la main, les caves cachées sous chaque maison du village. Creusées par les ancêtres dans la roche dure, elles représentent, plus que l’endroit où l’on prépare le vin de l’année, de véritables foyers où chaque jour toutes les générations se rassemblent pour savourer ensemble la fin d’une journée de travail.
La Betty ballottée par le vent comme une voile, fait ensuite un petit détour dans la région de Toro où la couleur jaune des plaines prédomine. Couleur du blé moissonné, des tournesols fanés et du sol pauvre et sableux où des vignes centenaires révèlent les secrets de ce terroir en altitude.
Quel contraste avec les montagnes ocres de la dernière région que nous découvrons : le Priorat, une minuscule appellation qui brille dans la vaste Catalogne. Perdues dans les routes sinueuses, comment ne pas tomber sous le charme de ces paysages romantiques où les vignes se cultivent difficilement sur les terrasses creusées en altitude.
Deux styles de vins se distinguent : ceux issus des vignes cultivées en bas des villages, robustes, denses et chargés de soleil, et ceux issus des vignes situées sur les terrasses en altitude, élégants, fins et lumineux.
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C’est donc le Priorat, parmi toutes les régions visitées, qui nous marque le plus, par sa beauté, son énergie, sa cuisine méditerranéenne et sa langue catalane.
C’est avec une cargaison d’huile d’olive, une pointe de nostalgie et du soleil dans le coeur que nous quittons l’Espagne, pays aux multiples visages viticoles.
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Nous resterons touchées par la relation forte qu’ont les vignerons espagnols à la terre, qui prend pour eux une dimension quasi spirituelle.
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Des petits villages perchés dans la montagne, une nature à couper le souffle, de la chaleur dans les paysages et dans l’accueil des habitants, nous reviendrons.
España, gracias por todo !
* méthode d’élaboration du vin sans passage en élevage en fût de chêne. Les barriques sont une tradition française importée lors de la crise du Phylloxéra à la fin du XIXème siècle.
LAS mujeres del vino
Judit Valdelana
Quatorzième génération du vignoble familial de la Rioja Alavesa
María Luisa Cuevas
Ancienne avocate à la tête de la Bodega Ferratus en Ribera del Duero
Belén Sanz Cid
Directrice technique et oenologue de la bodega historique de Ribera del Duero : Dehesa de los Canónigos
Blanca Ozcáriz Raventós
Biologiste et vigneronne dans ses vignes du Jardí dels Sentits à Penedés